La littérature permet de merveilleuses folies.Play, c'est une interview fictive, imaginée et écrite par l'interviewé lui-même. Mais sans que cette particularité ne lui enlève rien, au contraire. Elle lui ajoute du piquant - sans compter qu'elle nous donne la garantie, finalement précieuse, que les propos que l'auteur se prête n'ont pas été dénaturés.On est ici comme au théâtre, auditeur et lecteur d'un dialogue qui par sa nature même donne la sensation d'un arrière-plan inexprimé. Du théâtre ? C'est plus complexe. Car une des deux « paroles » est logée à l'intérieur de l'autre?Et si une des deux figures est Koumandarèas, l'autre est sa créature, et l'on est en droit de penser que la seconde l'intéresse plus que la première ; que ce face-à-face pourrait même être une façon de sortir enfin de soi-même pour se glisser dans cet autre en vis-à-vis, pour devenir cet autre.Koumandarèas a été assassiné en décembre 2014 à Athènes. Play est en quelque sorte son ouvre posthume.Au-delà des genres, découvrez un roman passionnant du grand écrivain grec Mènis Koumandarèas !EXTRAITJ'appuie sur la touche. Sa voix jaillit avec ce « hm, hm » caractéristique par quoi il s'annonce presque toujours quand il va prendre la parole. J'avais déjà eu l'occasion de le voir mais, de lui parler, jamais. Là c'était la première fois. Quand je lui ai téléphoné, il a eu la réaction classique :- Vous savez? je manque de temps? je suis très pris.- J'ai absolument besoin de vous voir, lui dis-je.- Vous êtes journaliste ?- C'est une nouvelle revue pour les jeunes (et je lui indique le titre) qui m'a confié une enquête sur les écrivains.Silence.- Et pourquoi moi ?- J'ai lu un certain nombre de vos interviews, dis-je, sans qu'aucune m'ait satisfait. Plus que vos livres eux-mêmes.- Je sais, coupe-t-il, vous aimeriez savoir comment un écrivain se comporte dans la vie ; s'il aime le vin blanc et les femmes brunes.Je le laisse s'apaiser.- Justement, lui dis-je, voilà pile les choses qui n'ont pas d'intérêt.
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